Le silence des pantoufles
"Pire
que le bruit des bottes, le silence des pantoufles"... Cette phrase avait
été inscrite sur le tableau blanc de la petite salle de répèt' de
"Pire que le bruit des
bottes, le silence des pantoufles"... Le vendredi soir, donc, après le
boulot, je laissai mes pantoufles sous le radiateur et je m'en allai covoiturer
en direction du Puy‑en‑Velay.
Ces derniers mois, ils n'
avaient pas dû y être souvent dans leurs pantoufles, les organisateurs, car ça n'avait pas chômé en coulisse! Cinq
forums en trois jours, animés par des intervenants, théoriciens, praticiens ...
décortiqueurs de thèmes comme «
l'agriculture paysanne », « les logiciels
libres », « la décroissance », « l’éducation »,
« la grande distribution »... Chaque intervention était
suivie de débats, du vrai débat, du bio de celui où l'on garde tout sans rien
couper. Car aussi surprenant qu' ça puisse paraître, tout le monde n'était pas
d'accord dans ce Festival Social. Et n'est‑ce pas justement la diversité
des points de vue qui rend l'échange
intéressant,
fécond ?
Je me souviens d'une prise
de bec entre un agriculteur et une ménagère qui refuse de payer les légumes du
marché seulement 5% moins cher qu'en grande surface ... De l'indignation de
cette employée de la préfecture (un peu trop) convaincue de l'incorruptibilité
des fonctionnaires et qui traite de menteur un intervenant de l'"UFC Que
Choisir": ce dernier avait eu le culot d'affirmer que les grandes marques
d'automobiles avaient accès aux fichiers du service d'immatriculation des
préfectures et pouvaient ainsi draguer le client directement dans les boites
aux lettres ... etc...
Et les discussions se
poursuivaient bon train autour d'un pot au feu ou d'une purée/côte de porc
préparés par quelques cordons‑bleus de
Dans les étages du Centre
Pierre Cardinal, on pouvait en prendre plein les yeux et les oreilles. Au
deuxième, un film de quelques minutes tournait en boucle: "L'île aux
fleurs", petit film caustique mais nécessaire, de ceux qui remuent bien au
fond de l'estomac, la purée/côte de porc. En parlant de porc, dans ce court
récit qui décrit l'acheminement d'une tomate depuis le champ jusqu'à la
décharge, il est justement question de porcs ... de porc puis... d'êtres humains.
A l'étage en dessous : le
grand SUPERMARCHÉ CHOMPIAN. Un faux, tout en carton, tellement faux qu'il en
était plus vrai que le vrai ... Tout y était. Ils n'avaient rien oublié les
copains de St Pal : le fameux slogan à l'entrée qui était devenu "POUR NOUS
UN CLIENT C'EST (UN) SACRE (CON) ", à l'intérieur, la musique de merde,
les glaces déformantes, les rayons pour les pauvres, à ras du sol… les
soi-disant promos et tout autre piège à con(sommateurs) ... Un graphique
faisait état des dépenses d'énergie: l'Energie de la planète avalée goulûment
par les grosses centrales de distribution ... Et à la sortie, le S B A M des
caissières ( Sourire‑ Bonjour‑ Au revoir ‑ Merci ) avec en
prime , un tour de reins à chacun de nos sacs (plastique) qu'elles remplissent
elles‑mêmes...
Bref, c'est tout un village
associatif qui s'est animé pendant trois jours, avec ses stands, un marché
fermier, des ateliers pour les enfants pendant les forums. Et c'était un bon
Week End!
Mais pire que le bruit des
bottes, le silence des pantoufles...
A un moment où j'étais en
train d'apprendre des choses que je croyais d'ailleurs bien connaître, j'eus
une pensée agacée pour tous ceux qui ne se sont pas déplacés ce week end là,
Vous savez ? Ceux qui brillent par leur absence et qui se justifient le
lendemain, par un "moi, j’y vais pas
à ces trucs où on tourne en rond et où on prêche qu'à des convaincus !... ‑"
Que répondre à tous ceux‑là
- qui pour certains, sont des copains, membres d'associations locales dont je
fais partie aussi ‑ Que répondre? Qu'un convaincu, c'est dangereux parce
que ça ne bouge plus ? Que les convictions, seules et isolées, ça nous en fait
d' belles ? . .. ou encore, qu'il n'y a que les convaincus qui ne changent pas
d'avis ?... qu' il y a urgence, qu'il faut agir, ensemble et laisser aux
politiques politiciens les conflits de pouvoir !...
Et puis il y a ce mot :
prêcher. Là‑bas, personne n'a prêché. Je n'ai pas entendu de gourou ni de
maître, encore moins de donneur de leçon. J'y ai rencontré des femmes et des
hommes qui voient déraper le monde et qui cherchent des solutions pour lui
redonner un sens... des sens... du sens... Simplement des citoyens qui refusent
que leurs enfants respirent, mangent, pensent et créent ce que ce monde hyper‑marchand
nous impose depuis trop longtemps: de la merde dans du papier d'argent !
Parce que le Bonheur c'est
tout autre chose qu'un caddie bien rempli d'Inutile qui nourrit le paraître,
qui pollue la planète et contamine les foyers, dans l'insupportable silence des
pantoufles...